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Exposition prénatale aux hormones sexuelles de synthèse – dont le diéthylstilbestrol – comme facteur de risque des troubles du spectre de l’autisme

Exposition prénatale aux hormones sexuelles de synthèse – dont le diéthylstilbestrol – comme facteur de risque des troubles du spectre de l’autisme

Le D.E.S. (abréviation très répandue pour diéthylstilbestrol, un œstrogène de synthèse), a été commercialisé dans les années 1950 dans de nombreux pays, par différents laboratoires pharmaceutiques (UCB Pharma, Borne, Eli Lilly...), sous différents noms (Distilbène®, Stilboestrol-Borne®, Furostilboestrol®...). Ce médicament, présenté comme un « médicament miracle », a largement été prescrit en France aux femmes enceintes essentiellement pour prévenir les fausses-couches et les naissances prématurées.

Ce médicament a également été prescrit dans d’autres indications (retrouvez la liste complète sur notre page « Qu’est-ce que le D.E.S ? »), et parfois associé à des progestatifs de synthèse.

Le nombre exact de femmes ayant pris du D.E.S. pendant leur(s) grossesse(s) n'est pas connu, mais on estime qu'il y a eu entre 5 et 10 millions de femmes dans le monde, dont environ 200 000 femmes en France.

Afin de connaître le nombre exacte de personnes impactées en France, notre association D.E.S is it a par ailleurs lancé un grand recensement national des « victimes du diéthylstilbestrol (DES) », accessible sur la page suivante : recensement-national-des-victimes-du-distilbene-stilbestrol-diethylstilbestrol

Si son efficacité n’a jamais pu être prouvée pour aucune des indications connues, en revanche ses méfaits ont largement été démontrés.

En effet, depuis sa contre-indication chez la femme enceinte en 1977, l’on s’est aperçu que le diéthylstilbestrol avait provoqué aussi bien des problèmes de santé chez les enfants exposés in utero que chez leurs enfants : la troisième génération Distilbène.

Le diéthylstilbestrol est, en effet, un puissant perturbateur endocrinien (EDC, pour Endocrine Disruptor Chimical, en anglais).

L’US EPA (Agence américaine de protection de l'environnement) définit un EDC comme un « agent exogène qui interfère avec la synthèse, la sécrétion, le transport, le métabolisme, l’action de liaison ou l’élimination des hormones naturelles véhiculées par le sang qui sont présentes dans le corps et sont responsables de l’homéostasie, de la reproduction et du processus de développement ».

Les perturbateurs endocriniens ont été associés à de nombreux effets sur la santé, notamment : à des anomalies des systèmes reproductifs masculins et féminins, au développement de l’obésité, du cancer, aux troubles du neurodéveloppement (surtout après une exposition in utero).

 

Diéthylstilbestrol et autisme ?

Présentation de l’article « Diethylstilbestrol and autism »

L’article principal dont nous allons vous parler aujourd’hui s’intitule « Diethylstilbestrol and autism », de Soyer-Gobillard et al., et est paru dans la revue Frontiers in Endocrinoly en novembre 20221. Il s’agit d’une revue de la littérature existante, réalisée à partir d’études publiées, pour la plupart, entre 2010 et 2022, et sélectionnées à partir des résultats des moteurs de recherche de PubMed et Google Scholar, par le biais des mots-clefs suivants (que nous avons traduits) : diéthylstilbestrol, diéthylstilbestrol et TSA (Troubles du spectre de l’autisme), progestatifs, progestatifs et TSA, psychose et perturbateurs endocriniens, œstrogènes et épigénétique. Il ne s’agit donc pas d’une nouvelle étude sur les effets transgénérationnels du DES. Et, en réalité, en dépit de son titre, il ne s’agit ici pas d’un article qui traite exactement du diéthylstilbestrol et de l’autisme.

Dans cette revue, les auteurs constatent que la prévalence des TSA a beaucoup augmenté, et suggèrent que des facteurs environnementaux pourraient s’ajouter à la liste des étiologies supposées.

Les auteurs font l’hypothèse que l’exposition prénatale au diéthylstilbestrol (DES) et à d’autres hormones sexuelles de synthèse « contribue à la pathogène des troubles psychiatriques, en particulier des TSA ».

Nous allons maintenant vous présenter les principales études décrites dans cette revue, permettant aux auteurs de « Diethylstilbestrol and autism » d’étayer cette hypothèse.

Et, dans la mesure où les auteurs incluent les TSA dans les troubles psychiatriques, nous nous devons, dans une seconde partie, de revenir précisément sur la définition de l'autisme.

 

DES et troubles psychiatriques

Dans cette revue, Soyer-Gobillard et al. font le constat que très peu d'études ont porté sur « les effets du DES sur le développement neurologique et la survenue de troubles psychiatriques, en particulier les troubles du spectre autistique (TSA) » (nous citons ici les auteurs), chez les enfants exposés in utero (2nd génération) et leurs descendants (3ème génération).

Soyer-Gobillard et al. décrivent ensuite une étude américaine épidémiologique de O’Reilly et al. de 2010 (Nurses' Health Study)2. Cette étude a porté sur 76 240 femmes, dont 1612 exposées in utero à la molécule. Les résultats suggèrent que les femmes exposée in utero au DES auraient un risque accru de dépression à l'âge adulte.

 

Soyer-Gobillard et al. détaillent ensuite les résultats de deux de leurs études précédentes3,4, qui rapportent les effets psychiatriques survenant chez les adolescents/adultes exposés in utero au DES issus de la base de données des familles de l’association Hhorages-France : en particulier la schizophrénie, les troubles bipolaires, la dépression, les troubles du comportement alimentaire, les tentatives de suicide et le suicide.

Hhorages-France (Halte aux HORmones Artificielles pour les GrossessES), est une association française créée en 2002 et dont l’objet est « d’établir la relation de cause à effet entre la prise d’hormones sexuelles de synthèse lors des grossesses et tous les troubles générés, à plus ou moins long terme, chez les enfants issus de ces grossesses » avec une priorité donnée aux troubles psychiatriques. Hhorages-France a par ailleurs auto-publié un livre-témoignage intitulé « Une résilience ou les trois Marie-Odile » auquel nous avons consacré un précédent article.

Par rapport à la population générale, la prévalence des troubles psychiatriques dans le groupe exposé est significativement plus élevée. Ce qui peut en partie s’expliquer par le fait que la base de données utilisée dans ces deux études est constituée de familles membres de l’association, qu’elles ont possiblement rejointe en raison, justement, de présence de troubles psychiatriques.

 

Récemment, Soyer-Gobillard et al. ont décrit une famille informative dont la mère s’est vue prescrire du DES pour stopper ses montées de lait après chacune de ses 11 grossesses. Pourtant non-exposé directement, 10 de ses enfants nés après la prise d’un tel traitement avaient notamment des troubles psychiatriques.

Nous citons ici, une fois de plus, les auteurs : « Fait important, dans la troisième génération, 10/19 petits-enfants exposés au DES avaient des troubles psychiatriques, en particulier des TSA, un syndrome d'Asperger ou un TSA sans syndrome d'Asperger (chez les garçons) et des troubles bipolaires pour les filles, associés à une dyspraxie et des troubles d'apprentissage, des troubles de l'humeur et du comportement et troubles alimentaires, ainsi que des comorbidités somatiques. »

Ces études5,6 suggèrent que le DES a une action si forte qu’il n’est pas éliminé de l’organisme entre l’arrêt de la prise et la grossesse suivante.

 

Soyer-Gobillard et al. nous informent ensuite que l’exposition in utero à d’autres hormones sexuelles synthétiques telles que l’éthinylestradiol (l’un des composants de la pilule contraceptive) et les progestatifs de synthèse augmentent le risque de troubles bipolaires/de dépression et de schizophrénie.

Les deux articles7,8 cités ici ont été réalisés à partir des données issues de la cohorte de l’association Hhorages-France.

 

Soyer-Gobillard et al. décrivent ensuite une étude de Liu et al.9 démontrant une association entre le gène SOX2-OT et les troubles bipolaires comorbides avec les troubles du comportement alimentaire (TCA). Ces résultats suggèrent l'implication de mécanismes neurodéveloppementaux/neuroprotecteurs dans la physiopathologie des deux troubles.

Ils précisent juste après que différents auteurs, Remnelius et al.10, Carpita et al.11, Saure et al.12, Westwood et al.13 ont rapporté un lien entre le TSA et l'anorexie mentale et ont suggéré un lien génétique spécifique entre l'anorexie mentale et le TSA.

 

Progestatifs de synthèse et troubles psychiatriques

Soyer-Gobillard et al. cite également une étude de Soyer-Gobillard et al.14 dans laquelle les auteurs ont rapporté des effets psychiatriques faisant suite à une exposition prénatale aux progestatifs.

 

Progestatifs de synthèse et TSA

Soyer-Gobillard et al. nous présentent ensuite une étude de Zou et al.15 de 2017, dans laquelle les auteurs ont démontré que chez le rat, l’exposition au lévonorgestrel (un progestatif synthétique) ou à une combinaison de lévonorgestrel et d’éthinylestradiol (un œstrogène synthétique) – deux molécules utilisées dans les pilules contraceptives orales – induisent chez la progéniture un comportement « autistim-like », c’est à dire similaire au comportement d’un individu autiste.

Ce comportement est beaucoup plus prononcé chez la progéniture mâle que chez la progéniture femelle.

Le mécanisme en œuvre ici est l’inhibition de l'expression (inactivation), par le lévonorgestrel, d’un récepteur des œstrogènes « ERβ » dans l'amygdale.

L’éthinylestradiol seul n’induit pas de comportement « autism-like ».

 

Soyer-Gobillard et al. présentent ensuite une vaste étude épidémiologique de Li et al.16, paru en 2018, qui a confirmé les résultats ci-dessus, c’est-à-dire, le fait que l'exposition prénatale aux progestatifs est associée aux TSA.

L’étude de Li et al. a porté cette fois-ci sur des sujets humains de l’île de Hainan, en Chine. Parmi 37 863 enfants, ils ont sélectionné 235 enfants porteurs de TSA, et 682 sujets en développement typique constituant le groupe témoin (de contrôle).

Les participants ou leurs parents ont tous complété un formulaire de Quotient du Spectre de l’Autisme (AQ). Les enfants présentant les comorbidités suivantes ont été exclus : symptômes psychiatriques, antécédents de TDAH (trouble déficitaire de l'attention/hyperactivité), épilepsie, dépression ou lésions cérébrales. Les participants ont été évalués à l'aide de l’Autism Behavior Checklist (ABC). Le diagnostic de TSA s’est basé sur des évaluations cliniques et a été confirmé par des psychologues cliniciens et des psychiatres selon les critères d’évaluation du DSM-V (manuel de référence dont nous parlons plus bas).

Les données de Li et al. montrent que les facteurs suivants impactent fortement la prévalence des TSA :  utilisation de progestatif pour prévenir la menace d'avortement, utilisation de contraceptifs progestatifs au moment de la conception et consommation prénatale de fruits de mer contaminés par un progestatif pendant le premier trimestre de la grossesse, chez les mères de ces enfants.

En Chine, des contraceptifs oraux combinés (qui associent généralement des œstrogènes et de la progestérone de synthèse) sont, selon les auteurs, actuellement utilisés par l’industrie des produits de la mer dans le but d’empêcher la gestation des poissons et des crevettes, ce qui permet de les faire grossir (pour plus de profits, certainement).

Afin de tester leur hypothèse, Li et al. ont exposé un poisson zèbre à de grandes quantité de progestatifs afin d’imiter une exposition chronique des fruits de mer à la contamination. Ils ont ensuite utilisé ce poisson pour nourrir des rates en gestation, et ont découvert que leur progéniture présentait un comportement semblable à celui que l’on peut observer dans l’autisme.

Les auteurs, Li et al., concluent donc que l'exposition prénatale aux progestatifs est fortement associée à la prévalence des TSA, ce que les expériences chez les rats ont confirmé.

Cette étude de Li et al. est vraiment très intéressante et nous vous invitons à la lire dans son entièreté.

 

Nous précisons ici qu’il ne faut pas confondre les progestatifs de synthèse avec la progestérone, qui est une hormone naturellement produite par l’organisme.

Pour information, les progestatifs sont également à l’origine de méningiomes chez les femmes qui s’en sont vues prescrire. Un méningiome est une tumeur qui se développe à partir des méninges, les membranes qui recouvrent le cerveau et la moelle épinière. Ces méningiomes sont considérés comme bénins, car non-cancéreux. Néanmoins, ces tumeurs sont difficiles à soigner et nécessitent parfois une intervention chirurgicale. Elles peuvent avoir des conséquences non négligeables dans la vie des personnes touchées.

Pour en savoir plus, nous vous invitons à consulter le site Web de Amavea (Association Méningiomes dus à l’Acétate de cyprotérone, aide aux Victimes Et prise en compte des Autres molécules) : https://amavea.org.

 

TDA/H chez la troisième génération DES

L’étude suivante présentée dans cette revue s’intitule « Association of Exposure to Diethylstilbestrol During Pregnancy With Multigenerational Neurodevelopmental Deficits » (Lien entre exposition au diéthylstilbestrol pendant la grossesse et déficits neurodéveloppementaux multigénérationnels), et a été publiée en 2018.

Les auteurs, Kioumourtzoglou et al.17, nous apprennent ici que l’exposition au DES est associée à des troubles neurodéveloppementaux.

En effet, leur étude révèle que les enfants dont la grand-mère a pris du DES pendant la grossesse sont 36 % fois plus susceptibles d’être porteur d’un Trouble du déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH). Ces résultats ne diffèrent pas selon leur sexe. ils sont statistiquement très significatifs.

Lorsque le DES a été pris au cours du premier trimestre de grossesse, le risque pour les petits-enfants est encore plus important puisqu’il passe à 63 %.

Lorsque le DES a été pris au 2nd, au 3ème, ainsi que lorsque le trimestre est inconnu, les résultats ne sont pas, quant eux, statistiquement significatifs.

Si ce n’est pas le seul mécanisme envisageable, le mécanisme biologique est probablement un effet transgénérationnel épigénétique, c’est à dire un changement dans la manière dont les gènes s’expriment.

Ainsi, le 1er trimestre de grossesse pourrait représenter une fenêtre critique de vulnérabilité à l’exposition au DES.

 

Mise en évidence d’atteintes génétiques communes à la schizophrénie et à l’autisme

L’hypothèse d’un mécanisme étiologique neurodéveloppemental de la schizophrénie a plusieurs été émise, mais une possible neurodégénérescence ou une « neurotoxicité » à l’entrée de la maladie est toujours discutée, du fait que les atteintes précoces, à elles seules, ne permettent pas d’expliquer l’apparition différée des symptômes schizophréniques18.

Les auteurs, Soyer-Gobillard et al., citent ensuite une étude de 2017 (dont nous avons parlée précédemment) de Rivollier et al.19 parue dans la revue PLOS One, qui a mis en évidence des anomalies dans l’expression de deux gènes chez des patients psychotiques exposés in utero au DES : le gène ADAMTS9 et le gène ZFP 57. Ces deux gènes pourraient influencer la neuroplasticité fœtale.

Le gène ADAMTS9 joue un rôle dans le contrôle de la forme des organes sexuels pendant le développement et l'inhibition de l'angiogenèse (processus de croissance de nouveaux vaisseaux sanguins à partir de vaisseaux préexistants)20.

Des anomalies de méthylation (d’expression) de ce gène ont été observées dans les cancers gastriques, colorectaux et pancréatiques. C’est un gène qui pourrait jouer un rôle dans le développement du système nerveux central.

La protéine produite par le gène ZFP57 appartient à la famille des protéines à doigt de zinc, qui sont impliquées dans de nombreuses fonctions cellulaires. Par conséquent, selon les auteurs, la modification de l’expression de ce gène peut avoir des conséquences nombreuses, notamment au cours du développement neurologique.

Les auteurs Rivollier et al. s’appuient une étude de 2013, dans laquelle ce même gène ZFP57 a été retrouvé plus méthylé chez des patients autistes que dans le groupe témoin, pour dire que l’autisme et la schizophrénie sont tous deux liés à un développement neurologique et à une plasticité déviants.

Ils ajoutent que la schizophrénie et l’autisme ont des caractéristiques communes, se basant sur deux publications portant sur un supposé continuum développemental entre ces troubles, et sur le lien entre TSA et schizophrénie infantile, que la longue histoire de l’autisme et de sa classification a pourtant permis de discriminer.

Pour autant, cette étude est très importante puisqu’elle prouve que l’exposition au diéthylstilbestrol peut avoir des conséquences sur l’expression des gènes, susceptibles d’être détectées dans le sang.

 

Autisme et malformations génitales

Les auteurs, Soyer-Gobillard et al., présentent ensuite plusieurs études (Chen et al.21, Rotem et al.22, Bodur et al.23) rapportant qu’il existe une corrélation entre les malformations génitales (troubles du développement sexuel) et les troubles neurodéveloppementaux.

A savoir que les malformations génitales, telles que la cryptorchidie (testicule mal descendu) ou l’hypospadias (position anormale du méat urinaire) pour les hommes, et des anomalies des trompes ou une déformation de l'utérus pour les femmes, sont très fréquentes chez les personnes exposées in utero au DES. L’on retrouve par ailleurs des malformations similaires chez la 3ème génération de victimes.

Les auteurs de la revue ont identifié dans un travail préliminaire, dans la cohorte Hhorages-France, plusieurs filles et garçons présentant à la fois un TSA et des troubles du développement sexuel.

 

Conclusion

Nous sommes intimement convaincus du lien entre exposition au DES, aux hormones sexuelles de synthèse et, plus largement, aux perturbateurs endocriniens, et les troubles de neurodéveloppement, dont les TSA, sans exclure bien évidemment d'autres facteurs – par exemple, la grande prématurité. 

En revanche, il ne s’agit pas d’une revue qui traite exactement du diéthylstilbestrol et de l’autisme. Et nous n'apprenons rien de nouveau sur ce sujet puisque la famille informative, dont la mère a reçu du DES après chacune de ses grossesses et où l'on retrouve des TSA chez les petits-enfants, avait été décrite dans une publication précédente.

Seul l'enchainement des parties et des différents sujets parviennent à créer l'illusion de la démonstration d'un lien de causalité (lien que nous ne mettons pourtant pas en doute !), entre exposition au DES et autisme : DES et troubles psychiatrique, bipolarité avec TCA et gène, TSA avec TCA et gènes, progestatifs et troubles psychiatriques, progestatifs et TSA,, TDAH et DES, atteintes génétiques communes à la schizophrénie et au TSA, TSA et malformations génitales.

Nous n'avons pas critiqué les articles que cette revue présente au fur et à mesure afin de ne pas entraver votre lecture. Néanmoins, nous avons volontairement mis certains mots en gras pour insister sur le fait que les auteurs définissent l'autisme comme un trouble psychiatrique, ce qu'il n'est pas.

Soyer-Gobillard et al. nous invitent, tous, à appliquer le principe de précaution pour la protection des générations futures : les femmes doivent rester vigilantes face aux hormones sexuelles de synthèse, qu'elles soient ou non enceintes.

 

Historique de la notion d’autisme

L’autisme n’était pas défini il y a encore 50 ans. Deux phénomènes socio-historiques ont participé en amont à la naissance de la notion d'autisme :

  • l'éducation obligatoire (instruction) pour tous les enfants, car il a alors fallu gérer les enfants et leurs interactions, ce qui a permis de constater qu'avec certains il était plus difficile d'entrer en interaction.
  • autour du XVIIe siècle, la naissance de la psychiatrie en tant que discipline scientifique avec l’introduction de la notion d’aliénation curable et l’établissement de la première classification des maladies mentales du Dr Philippe Pinel.

Le Dr Philippe Pinel va notamment s'intéresser à la mélancolie, aux démences et à ce qu'il va nommer « l'idiotie », c'est-à-dire « une oblitération des facultés intellectuelles et affectives ».

 

Victor de l’Aveyron, le premier enfant autiste
Victor, l'enfant sauvage de l'Aveyron. Gravure en frontispice de l'ouvrage du docteur Jean Marc Gaspard Itard, De l'éducation d'un homme sauvage, ou Des premiers développements physiques et moraux du jeune sauvage de l'Aveyron, Paris, chez Goujon fils, imprimeur-libraire, vendémiaire an X (1801).

En 1797, un « enfant sauvage » d’environ onze ou douze est trouvé dans la forêt, dans l'Aveyron. Il ne parle pas et sa gestuelle est inhabituelle. On le pense d'abord sourd et muet, avant que, transporté à Paris, le Dr Philippe Pinel ne le décrive dans un rapport comme étant un « idiot incurable ».

Jean-Marc Itard, l'un de ses élèves, qui s’intéresse plus particulièrement à la souffrance de l'enfant, va suggérer à son maître que certains enfants ne sont en réalité pas idiots, et peuvent eux aussi être amenés à une éducation, notamment morale.

Il va ainsi proposer au Dr Pinel de conduire une expérience consistant à éduquer ce jeune garçon – surnommé Victor de l’Aveyron –, qui est le premier enfant que l'on pense avoir eu des caractéristiques d'autisme : une difficulté à communiquer par le langage et les signes, une impossibilité à établir des relations sociales, des gestes répétitifs et des intérêts restreints.

 

En dépit de son relatif échec, la démarche de Jean-Marc Itard a été historique et a aidé à comprendre le concept de fenêtres développementales : certaines acquisitions doivent avoir lieu plus tôt dans le développement, notamment le langage.

Cet enfant étant déjà âgé d’une douzaine d’années, la marge de manœuvre était assez faible. C’est pour cela que l’on parle actuellement beaucoup de l’importance d’un diagnostic précoce et donc d’une prise en charge rapide. Une prise en charge pluridisciplinaire et adaptée à chacun est susceptible d’améliorer la qualité de vie des personnes autistes.

 

Il est bien évidement impossible d’affirmer avec certitude que cet enfant était autiste dans la mesure où l’on ne connaît rien de son passé. Or, l’anamnèse joue un rôle essentiel dans le diagnostic de l’autisme. Il n’est donc pas exclu qu’il ait en réalité souffert d’hospitalisme et/ou de maltraitance. Néanmoins, en se basant sur les rapports de Jean-Marc Itard, plusieurs psychiatres ont rétrospectivement posé un diagnostic d’autisme.

 

Eugène Bleuler, un psychiatre suisse du XXe siècle – à qui l’on doit l’invention du terme « schizophrénie » (schizo signifiant « schisme », et phrénie « de l’esprit ») – est le premier à avoir employé le mot « autisme ». « Autisme » vient du grec ancien αὐτός qui signifie « soi-même » et caractérise un comportement de repli sur soi.

Eugène Bleuler introduit ce terme en 1911 dans son ouvrage Dementia praecox ou groupe des schizophrénies, et l’utilise pour désigner des adultes schizophrènes repliés sur eux-mêmes dans l’imaginaire. Le mot « autisme », à cette époque, est donc utilisé non pas pour désigner des problèmes de communication et d’interaction sociale, mais comme une caractéristique de la psychose.

A partir de 1920, avec la généralisation de l’école, les chercheurs et cliniciens vont davantage s’intéresser à la souffrance chez l’enfant. Il y a un besoin de comprendre et d’identifier les enfants qui ne parviennent pas à suivre les cours dispensés ou qui sont susceptibles de perturber les classes.

C’est ainsi que le concept de schizophrénie de Bleuler va être appliqué à l’enfant : un enfant pris dans ses pensées, son imaginaire, va être caractérisé comme étant un enfant schizophrène. En effet, pour les chercheurs et cliniciens d’alors, l’hallucination est une caractéristique de la schizophrénie, et l’enfant est potentiellement, ici, en train d’halluciner.

 

En 1938, Louise Despert, une psychologue américaine, décrit, dans un article, des cas d’enfants schizophrènes. Les comportements rapportés (asociabilité, retrait, peur des nouveaux contacts affectifs, irritabilité, tendance à la rêverie, à vivre dans leur propre monde…) sont aujourd’hui attribués à l’autisme.

Louise Despert a décrit deux formes d’apparition de ces comportements : une forme soudaine et aiguë, et une forme insidieuse et progressive. Elle émet l’hypothèse que la schizophrénie est présente dès la naissance. Or, ceci contredit les thèses psychanalytiques qui affirment qu’un temps de développement normal précède toujours l’arrivée chez l’enfant de la schizophrénie.

 

En 1943, un article de Leo Kanner, un pédopsychiatre autrichien et américain, décrit pour la première fois 11 cas d’enfants autistes. La description qu’il en fait est très proche de celle de Louise Despert, mais il insiste sur plusieurs choses : l’autisme est différent de la schizophrénie, et l’enfant autiste, lui, n’hallucine pas.

Progressivement, il va préciser sa définition de l’autisme infantile. Il décrit des particularités de la communication avec : des répétitions, des actes et des paroles monotones et de l’écholalie retardée. Il décrit une compréhension littérale, une incapacité de ces enfants à établir des relations, à initier une interaction, et donc un « problème pour établir un lien affectif avec autrui ».

Il décrit enfin une restriction de la sphère d’intérêt des enfants et souligne une « obsession anxieuse » à la permanence et une forme d’intolérance au changement.

Il présume également que, contrairement à la schizophrénie, l’autisme infantile est présent dès le début de la vie.

Malgré cette publication de Leo Kanner, l’autisme demeure associé à la schizophrénie infantile jusque dans les années 70 où des changements vont avoir lieu. Alors que la pratique diagnostique était psychanalytique, son approche se base désormais sur des critères observables. Également, la recherche en psychiatrie évolue, et favorise alors les modèles statistiques et l’étude de la prévalence des troubles. La recherche en psychologie progresse également.

 

En 1980, le DSM-III (classification américaine des troubles psychiques) reconnaît l’autisme comme un trouble à part entière. Il est décrit dans une catégorie nommée « trouble envahissant du développement », mettant ainsi en avant son caractère développemental. L’autisme se trouve aux côtés de la psychose infantile, mais bien différencié. Le critère de « repli sur soi » observés chez les schizophrènes est retiré dans cette version du DSM.

Entre 1980 et 1990, Lorna Wing, pédopsychiatre anglaise, émet l’hypothèse que chez l’enfant autiste, un certain nombre de zones cérébrales, qui traitent l’information sociale et gèrent les facultés de communication, sont vulnérables. Elle définit l'autisme, non pas comme un trouble affectif comme le pensait Leo Kanner, mais comme un trouble du développement de la communication sociale et de l'interaction sociale.

En 1981, elle réactualise le travail de Hans Asperger – un psychiatre autrichien, auteur d’une étude avant-gardiste sur l’autisme – et fait une proposition pour définir le syndrome d’Asperger. Elle présente une triade de caractères plus récurrents dans le syndrome d’Asperger et les troubles autistiques, qui sera plus tard utilisée afin de définir plusieurs niveaux de handicap propres aux personnes autistes: anomalies des interactions sociales, anomalies de la communication verbale et non verbale, centres d'intérêts restreints.

Les travaux de Lorna Wing ont une grande influence puisqu’en 1994, le syndrome d’Asperger est ajouté dans le DSM-IV, de même que, dans les critères de diagnostic, la triade autistique (troubles des interactions sociales, troubles de la communication sociale et comportements répétitifs et restreints).

Il aura donc fallu près de 100 ans pour différencier l’autisme de la psychose, pour le comprendre, et pour le définir24.

 

Classification et définition actuelles de l’autisme

Dans le DSM-V (5ème édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, et des troubles psychiatriques), publiée en 2013, les troubles apparus dans l’enfance sont désormais pris en compte dans une perspective développementale et longitudinale. Ainsi, un chapitre spécifique est consacré aux troubles neurodéveloppementaux (TND) et à la définition d'un « trouble du spectre de l'autisme » (TSA).

Les troubles neurodéveloppementaux englobent les troubles de l’attention, du développement intellectuel, de la motricité, de la communication et des apprentissages.

Au sein des troubles neurodéveloppementaux, le TSA a cependant des caractéristiques particulières qui en font une catégorie diagnostique à part entière.

Le terme « syndrome d’Asperger » n’est plus présent dans cette version du DSM-V, aussi les personnes concernées font donc partie des TSA.

Afin d’éviter les chevauchements entre les troubles des interactions sociales et ceux de la communication sociale, la triade a été changée en dyade autistique : troubles des interactions et de la communication sociale, comportements répétitifs et restreints. À cela s’ajoute les spécificités sensorielles (hypersensibilité/hyposensibilité) fréquemment observées dans l’autisme. Enfin, le DSM-V encourage le diagnostic précoce.

Parmi les autres nouveautés du DSM-V se trouvent le trouble de l’acné excoriée (dermatillomanie : les personnes atteintes se triturent la peau de manière répétée, ce qui provoque des plaies), le trouble de l’accumulation compulsive (syllogomanie) et la complétion des critères du syndrome sevrage à la caféine.

Le DSM privilégie désormais une approche dite dimensionnelle, notamment par le biais d’échelles de sévérité permettant de coter la gravité des symptômes.

 

La CIM-11 (Classification Internationale des Troubles Mentaux et du Comportement), développée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) est entrée en vigueur en janvier 2022.

Les critères de diagnostic de l’autisme ont été mis à jour, de manière à être plus en ligne avec le DSM-V. Son chapitre 6 est consacré aux troubles mentaux, comportementaux et neurodéveloppementaux.

Globalement, les deux classifications, DSM-V et CIM-11, sont très proches et l’objectif d’harmonisation est atteint.

 

Nous reprenons ici la définition générale de l’autisme proposée par le Centre de Ressources Autisme Île-de-France (CRAIF) :

« L’autisme n’est pas une maladie mentale. C’est un trouble du neurodéveloppement : c’est-à-dire des altérations du cerveau qui se mettent en place avant la naissance et sont impliquées dans le langage, la motricité, la perception, les émotions, les interactions sociales…
C’est pourquoi, depuis 1996, l’autisme est reconnu officiellement comme un handicap. »

Ainsi que la définition des TSA par le Centre de Ressources autisme Rhône-Alpes :

« L’autisme est défini comme un trouble du neurodéveloppement caractérisé par des perturbations dans les interactions sociales, la communication et par des comportements, des intérêts et/ou des activités au caractère répétitif et restreint. […] Les caractéristiques de l’autisme varient beaucoup d’un individu à l’autre et couvrent un large spectre. C’est pourquoi aujourd’hui, les médecins et professionnels formés à l’autisme utilisent le terme de Trouble du Spectre de l’Autisme (TSA). »

Nous rappelons également que le diagnostic de trouble du spectre de l'autisme (TSA) doit être posé par un docteur en médecine (pédiatre, pédopsychiatre, psychiatre, neurologue…).

 

Autisme et comorbidités

Ce sont les différents troubles qui sont fréquemment associés à un TSA. Les comorbidités les plus fréquentes sont :

  • Trouble du Déficit de l’Attention avec/sans Hyperactivité (TDAH) : les enfants TDAH ont 30 fois plus de risques d’avoir un diagnostic de TSA après l’âge de 6 ans25.
  • déficience intellectuelle : de gravité variable, elle touche un tiers des personnes ayant un TSA26.
  • anomalies génétiques : syndrome de l’X fragile, sclérose tubéreuse de Bourneville, neurofibromatose, syndrome d’Angelman, syndrome de Prader-Willi…26
  • troubles de l’apprentissage : ce sont tous les troubles DYS : dysphasie (trouble du langage oral), dyslexie (trouble d'identification des mots en lecture), dysorthographie (trouble d’acquisition de l’orthographe), dyscalculie (trouble des activités numériques), dyspraxie (trouble développemental de la coordination).
  • troubles du sommeil : ils pourraient être en lien avec un défaut de sécrétion de mélatonine et des anomalies du rythme circadien.
  • troubles psychiatriques : dépression, troubles anxieux…
  • épilepsie : on la retrouve plus fréquemment chez les personnes autistes présentant un retard mental, avec une prévalence d’autant plus élevée que le retard est important27.
  • carences vitaminiques : vitamine D, vitamine B12, vitamine B9, vitamine A, zinc, magnésium et calcium.

 

Pour aller plus loin

 

Notes et références

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  26. a b Dossier de connaissance – Les troubles du neurodéveloppement de 3 à 6 ans. Réalisé par Émilie Bec, Centre Régional d’études, d’actions et d’informations en faveur des personnes en situation de vulnérabilité. Novembre 2019. Lire: https://creaiors-occitanie.fr/wp-content/uploads/2019/11/TND-3-6-ANS.pdf
  27. AMIET C, GOURFINKEL-AN I, CONSOLI A, PERISSE D, COHEN D. Epilepsie et autisme : une association complexe. Archives de pédiatrie 2010 ; 17 (6) : 650-651.

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